Ca va aller
Oui ça va. Avec cette retenue, gorgée de frustration, le tout trempé dans la triste colère de l'incompréhension, ça va.
Oui, ça va. Dans la curieuse mélasse entre rancoeur et desespoir.
Oui, je te dis que ça va. La folie embaume mes idées de trépidantes envies de mort, d'éblouissants récits fantasques, d'aveuglantes pulsions de vengeance. La peur dénaturant toutes mes tentatives de rationalisation et enterrant coute que coute mon bien-être. Mais même avec tout ça, ça va.
Oui ça va. Avec ces images répugnantes dans le creux de la paranoïa, avec la puanteur de ton amour dans mes vêtements et sur mon corps, la série d'embardées et la culpabilité se déversant par-dessus bord.
Oui, je te dis que ça va. Arrête d'insister. Avec tout le champs lexical que je te dois, avec l'ombre grandissante sur ma voix, ça va.
Je n'ai plus creusé ma peau depuis que tu es là. Je n'ai plus envie d'éclater en morceaux, toi et tes casseroles de héros êtes parvenus à vos fins. Je n'suis plus qu'une boule dégoulinante d'angoisses, nue, la moindre faille suintante au grand jour, sous les projecteurs de la bienséance et de l’honnêteté suprême.
L'intérêt disparaît dans la houle, l'énergie dévastatrice du début a été lapidée d'auto-censure. A quoi bon.
Oui, ça va, j'ai confiance en toi. Comme une chanson lancinante, obsédante, assourdissante, entêtante. J'ai confiance en toi, est ce qu'on m'en laisse le choix. J'ai confiance en toi, avec toute la force auto-persuasive du monde entier, je le dis et me le répète comme une interminable comptine qu'on aimerait tellement connaître par coeur. Comme une code qu'on arrive jamais à mémoriser.
Navrée, mais je me suis juste habituée à la douleur. J'ai juste envie de m'exterminer. Mais ça va, regarde, je ne le fais pas.
Résignée. Ce que tu vois n'est qu'acception. Alors regarde, sur mon visage, on ne dirait pas mais ça ira.
Je baisse lentement les bras, j'suis à côté de toi. Je passe et je suis, là. A côté de nous.
J'ai mal, putain. Mais, si j'te jure, ça va. J'ai envie de m'ouvrir les veines et tout faire sortir, cette merde rougeâtre qui me donne envie de vomir. Rien ne sort, mes tripes se sont imprégnées du poison. Bien longtemps que rien ne circule plus dans mes artères. Bien longtemps que mon sang n'a pas coulé.
Mais, ça va. Ça ira. J'partirai, j'oublierai, ça ira.
Je n'ai qu'une poignée de verbes à la bouche, et un truc coincé entre les dents, les larmes remplies d'épingles, le sel collé aux joues asséchées. Je me déboite la mâchoire à essayer de t'expliquer et décrire comme les tourments de ma folie m'ont emmenée loin.
J'ai cru avoir réussi parce que je ne me tordais plus de douleur et ne m'enflammais plus d'indignation, mais un doute me déchire. Et si c'était pire que tout ? Et si j'étais en train d'abandonner? J'ai comme un arrière-goût de résignation dans la trachée. Dans ces moments de vide intersidéral, de noyade mélancolique, le noir de mes idées ne me donne plus rien à voir et plonge dans l'obscurité la plus totale ma seule petite lucarne de lumière. Ce rien de certitude que j'avais jusqu'ici. C'est à ce moment que mon embarcation se détache lentement de la tienne, parce que je n'ai jamais réussi à suivre ton cap. Le lien se désserre et, c'est dramatique, je te vois partir au loin sans vraiment ressentir la crainte de l'abandon. La peur et le doute ne me sont plus aussi familiés que la résignation et la tristesse. Plus d'espoir de rémission, je m’en remets au plus offrant.
Violence salvatrice, où puis-je te recontacter. Détruire, expulser, déchirer, hurler, vomir. J’ai tout ça, là, tout au creux de moi. Je la sens grandissante, envahissante.
Et moi, dans tout ça, sous son emprise, je ne bouge plus. Ni tétanisée, ni gelée. Sous sa main, je suis calme. Mais derrière c'est une toile de fond meurtrière qui ne voit pas le jour, et ma violence habituelle s'en prend à ce qui lui passe sous l'oeil.
Catatonie, j'ai perdu espoir de m'en sortir, je subis mes cauchemars et ferme les yeux. Plus rien ne sort. J'ai laissé les armes, à l'entrée. Comment vais-je faire?